Le paludisme ou malaria est une maladie parasitaire très ancienne dont l’histoire est parallèle à celle de l’Humanité et son évolution. Plusieurs hypothèses suggèrent que la proximité génétique entre les plasmodiums humains et ceux des anthropoïdes africains signifierait que l’homo sapiens soit à son apparition déjà porteur de son paludisme. Des traces d’infestation paludéenne ont été retrouvées chez des momies égyptiennes anciennes datant de plus de trois millénaires avant notre ère. Au cinquième siècle avant Jésus Christ, le médecin grec Hippocrate réalise une description assez précise des fièvres intermittentes caractéristiques du paludisme et établit le lien avec l’environnement, notamment la proximité des marécages. Ce n’est qu’en 1880 que l’agent causal du paludisme fut identifié, et depuis, la science a permis de mieux connaître cette pathologie si vieille, mais si destructrice.

Dans le monde, le paludisme fait entre un demi-million et un million de mort par an, principalement chez les enfants de moins de cinq ans et chez les femmes enceintes. Au Burkina Faso, 4 355 décès de cette maladie ont été notifiés en 2021, et plus d’un lit d’hospitalisation sur deux a été occupé par un paludéen. Dans l’ensemble la transmission est à tendance saisonnière avec un pic en période pluvieuse. Cependant, cette transmission peut être continue dans des zones proches de points d’eau permanents. En plus d’un coût humain très élevé, la perte de rendement au travail et les coûts liés aux soins de santé constituent des pertes économiques considérables.

La transmission du paludisme dépend de la présence de moustiques du genre anopheles, de leur taux d'infestation et du nombre de piqures par personne. La densité de la population de moustique est directement liée à la présence et à la qualité des gîtes larvaires. On comprend donc que le paludisme est fortement influencé par le climat, l’environnement, l’habitat et l’urbanisation. C’est donc dire qu’il est fortement influencé par l’activité de l’Homme et les modifications anthropiques de la terre et des espaces de vie.

Le réchauffement climatique global et rapide de la planète pourrait entrainer une modification de la géographie de la malaria dans le monde. Les projets ou aménagements qui entrainent des manipulations des eaux de surface impactent l’épidémiologie de la maladie. En effet, dans les zones tropicales et subtropicales, les aménagements hydroagricoles ou les travaux de terrassement sont des exemples de réalisations qui accroissent la transmission du paludisme. Aussi, l'utilisation mal contrôlée de certains pesticides dans l'agriculture accroit l'émergence de résistance des moustiques aux insecticides. Si le développement des villes modernes et les aménagements bien pensés des espaces peuvent contrer le paludisme, certains systèmes de drainage non couvert (caniveaux) des eaux pluviales ou des eaux usées peuvent entretenir des gites larvaires qui favorisent la transmission du paludisme. Les zones d’habitats spontanés avec peu de systèmes d’assainissement et une mauvaise gestion des ordures connaissent une transmission du paludisme plus élevée, ainsi que les habitats précaires avec des fenêtres et des portes non protégées.

Malgré les nombreux efforts consentis, de nombreux défis doivent être relevés pour espérer vaincre le paludisme. Pour réduire le fardeau de cette maladie par la prévention, il convient donc qu’en plus de la distribution de moustiquaires, de la pulvérisation intradomiciliaire et de la chimioprévention, les politiques et les projets de développement intègrent adéquatement des mesures d’atténuation des effets négatifs des modifications anthropiques de l’environnement et des mesures de renforcement des effets bénéfiques de ces modifications par rapport au paludisme.

Par Dr Amadou Ouedraogo