Le développement scientifique et technologique du dernier siècle s’illustre, entre autres, par un essor considérable de la chimie et de l’industrie chimique. De nombreuses substances de synthèse ont vu le jour avec des applications pratiques dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation, de l’énergie, de la métallurgie, de la plasturgie, de la pharmacie, etc. Parmi les produits de synthèse, les produits artificiels qu’on ne trouve pas à l’état naturel se comptent par dizaines de milliers et se retrouvent dans l’environnement, dans les aliments et dans la plupart des objets de la vie courante.
Incontestablement, le développement de la chimie a révolutionné les modes de vie et de consommation des Hommes sur la terre. Cependant, depuis quelques décennies, il a été mis en évidence que certains produits chimiques interfèrent avec le fonctionnement normal du système endocrinien chez l’homme et chez les animaux. Cela signifie que les messagers chimiques que sont les hormones dans le fonctionnement des organes chez les animaux sont perturbés. On regroupe sous l’appellation de perturbateurs endocriniens toutes les « substances ou les mélanges qui altèrent les fonctions du système endocrinien et de ce fait induisent des effets néfastes dans un organisme intact, chez sa progéniture ou au sein de (sous)-populations ». Plusieurs substances naturelles sont connues pour leurs effets perturbateurs endocriniens, mais la grande inquiétude aujourd’hui porte sur les substances synthétiques dont les effets néfastes sur la santé humaine sont de plus en plus connus. Ces substances se retrouvent dans l’air, dans l’eau, dans les aliments et les objets usuels, et de par leurs actions de perturbateurs endocriniens peuvent causer des troubles de la reproduction, des malformations congénitales, des problèmes de croissance et de développement chez l’enfant, des troubles du système immunitaire et des cancers. Les enfants sont les plus vulnérables et l’exposition critique va du début de la grossesse à la fin des deux premières années de vie.
Grâce à la recherche, le nombre de perturbateurs endocriniens connus s’élargit d’année en année et leurs mécanismes d’actions sont de mieux en mieux connus. A la lumière des recommandations scientifiques, certains pays mettent en œuvre d’importantes mesures politiques pour réduire l’exposition de leurs populations aux perturbateurs endocriniens.
Dans la plupart des pays d’Afrique, le sujet des perturbateurs endocriniens reste marginal, bien que de simples observations nous amènent à suspecter des niveaux d’exposition élevés pour les populations.
Par exemple, l’utilisation des pesticides en Afrique se généralise dans les cultures vivrières, les cultures fruitières, les cultures maraîchères, les cultures de coton, etc. Des pesticides interdits ailleurs pour leur toxicité et autres effets sur l’environnement et la santé humaine restent largement utilisés dans notre contexte. Ainsi, des substances comme le glyphosate et le paraquat se retrouvent dans les sols, les eaux et les aliments et menacent la santé des agriculteurs et des consommateurs.
L’emballage plastique pour les eaux de boisson et les aliments est omniprésent, bien que plus visible en milieu urbain. En plus, l’utilisation ou la réutilisation des récipients plastiques en polycarbonates pour des aliments chauds est très rependus en ville comme en campagne. Toute chose qui expose les consommateurs aux plastifiants comme le bisphénol A et les phtalates.
L’utilisation massive des cosmétiques, parfois à l’origine et à la composition douteuse est bien une réalité en Afrique. A cela s’ajoute la consommation des « médicaments de la rue », toute chose qui pourrait exposer aux parabènes utilisés comme conservateurs dans ces produits.
La généralisation de l’utilisation des appareils électroménagers et des matelas en mousse, avec le phénomène de la réutilisation de matériel de seconde main, voire du rebut contenant des matériaux dangereux, importé d’Europe ou d’Amérique expose le consommateur africain à des composés polybromés et au polychlorobiphényles (PCB).
Loin d’être exhaustif, ces exemples montrent que les perturbateurs endocriniens devraient être un sujet de préoccupation pour la santé publique et l’environnement en Afrique. Des mesures doivent être prises pour sensibiliser les professionnels et le grand public, ainsi que pour soutenir la recherche sur le sujet et réduire l'exposition de la population aux perturbateurs endocriniens.
Par Dr Amadou Ouedraogo