Pour qui connait le milieu de l’orpaillage au Burkina Faso, le drame de Gbomblora n’est pas une surprise. On dirait même que c’est un accident de plus sur une longue liste, et ce n’est surement pas le dernier si on s’en tient à ce qui est fait actuellement. Les pratiques dans ce secteur sont aux antipodes du minimum nécessaire pour la préservation de la sécurité, de la santé et de l’environnement. Cela est connu, mais très peu est fait pour assainir les pratiques et le cadre de travail. Tout le monde semble se cacher derrière l’argument selon lequel l’orpaillage et ses mauvaises pratiques sont un mal nécessaire. En effet, c’est un secteur économiquement important qui est pourvoyeur d’emplois temporaires ou saisonniers pour de milliers de personnes confrontés au chômage, à la pauvreté et souvent au désespoir. L’enquête nationale sur le secteur de l’orpaillage (ENSO) faite en 2017 par l’INSD estimait la population des orpailleurs à 140196 sur 448 sites actifs produisant annuellement environ 9,5 tonnes d’or pour un revenu de 232,2 milliards de FCFA. Cependant, le secteur de l’extraction minière artisanale et à petite échelle de l’or au Burkina est un désastre, et le mot n’est pas suffisamment lourd. Le milieu de l’orpaillage concentre un ensemble de pratiques qui nuisent à la santé des populations, à la sécurité des travailleurs, à l’environnement et aux droits humains : travail des enfants, esclavage, exploitation sexuelle, pratiques exposant aux infections sexuellement transmissibles et au sida, dégradation de la nature et pollution environnementale (mercure, cyanure, déchets divers, …) et non-respect des mesures élémentaires de santé et sécurité au travail.
Et pour parler spécifiquement de l’utilisation des dynamites pour l’abattage de minerais, cette pratique, bien que prohibée, est tout à fait tolérée. Les conséquences sont des accidents à répétition, souvent de faibles envergures, mais parfois avec des dizaines de morts comme dans le cas de Gbomblora. On se rappelle même que ces dernières années, nous avons assisté à au moins deux grandes explosions avec des morts dans la ville de Ouagadougou ; explosions de stocks d’explosifs liés à des activités d’orpaillage.
On se demande ce qui est fait par l’autorité dans cette situation. Pourtant des textes existent et sont beaux (code minier, code du travail, code de la santé publique, code de l’environnement…). Une structure nationale d’encadrement de l’activité d’exploitation artisanale de l’or existe, un plan national d’élimination de l’utilisation du mercure a été élaboré, des programmes de lutte contre le travail minier des enfants existent, des ONG nationales et internationales interviennent depuis longtemps dans ce secteur, … mais les résultats ne sont évidemment pas à la hauteur des attentes. Il convient donc de repenser l’encadrement.
Dans un contexte sécuritaire difficile marqué par la prolifération des attaques aux IED (engins explosifs improvisés), on est en droit de se demander s’il ne peut pas y avoir un détournement d’utilité des explosifs du secteur de l’orpaillage. Certes, les défis et les enjeux sont nombreux et importants dans notre pays, mais il convient que les autorités ouvrent un œil bienveillant sur le secteur afin que l’impact sanitaire et environnemental de l’orpaillage ne dépasse pas le bénéfice de l’or produit.
Par Dr Amadou Ouedraogo