Chaque année, après la saison des pluies, une bonne partie du Sahel est soumise à un vent soufflant du Nord-Est vers le Sud-Ouest entre novembre et mars. Ce phénomène atmosphérique communément appelée Harmattan est caractérisé par un courant d’air sec et froid venant du Sahara et chargé de poussières. Après la luxuriance apportée par les pluies, l’Harmattan modifie rapidement les paysages et l’environnement, imposant au sahéliens une saison de sécheresse et de froid qui impacte les activités économiques, crée des conditions favorables à des feux de brousse et apporte son lot de maladies.

Un cocktail de sécheresse, de froid et de poussière

Sècheresse, poussières et froid sont les trois ingrédients principaux de l’Harmattan. En effet, pendant la période, l’humidité relative de l'air descend en dessous de 30%, voire 20% dans certaines régions. Cela entraine la déshydratation des tissus pour la flore et la faune. On observe aussi une baisse relative de la température ambiante, caractérisée surtout par des écarts importants entre les températures diurnes et nocturnes (parfois moins de 15 degrés Celsius en fin de nuit). Ces basses températures, et surtout les variations importantes éprouvent les organismes et contribuent à certains problèmes de santé. La poussière en suspension est constituée de particules grossières et de particules fines de silice, de débris végétaux, de pollens, de restes animaux, mais aussi de germes comme des bactéries, des parasites, des champignons microscopiques et des virus. Par la respiration, ces particules peuvent pénétrer plus ou moins profondément les voies respiratoires et entrainer des maladies.

Les impacts sur la santé

Pendant l’Harmattan, la pollution de l’air par la poussière est à la base de l'augmentation de l'incidence de certaines pathologies comme les rhumes, les sinusites, les angines, les bronchites aiguës, les pneumonies, etc. Chez les personnes souffrant de maladies pulmonaires chroniques, on peut avoir une exacerbation ou une décompensation pendant cette période. Les allergènes contenus dans la poussière peuvent déclencher des crises d’asthmes ou d’autres maladies allergiques. Les poussières peuvent également être responsables d’infections des oreilles (otites) ou des maux d’yeux (conjonctivites), surtout chez les enfants. Par ailleurs, les tempêtes de sable qui sont fréquentes avec l’Harmattan peuvent parfois réduire considérablement la visibilité et accroître les accidents de la circulation et les blessures associées.

L’Harmattan exerce une pression importante sur la peau et les muqueuses qui constituent la première barrière de défense contre les agressions extérieures. La sècheresse de l’air provoque la sécheresse de la peau et des muqueuses qui deviennent rugueuses, squameuses et parfois fissurées, ce qui augmente les risques d’infections. Ces atteintes sont plus remarquables aux niveau des extrémités (pieds et mains), ainsi que des lèvres, des narines et des parties habituellement découvertes. La sécheresse peut aussi favoriser la déshydratation par évaporation, surtout en journée et en extérieur.

Le froid peut aggraver certaines maladies respiratoires chroniques et favoriser la transmission de virus respiratoires. En plus, les techniques de chauffage au charbon ou autres combustibles mal pratiquées pendant la période d’Harmattan conduisent à des intoxications graves au monoxyde de carbone, ainsi qu’à des incendies meurtriers.

Qui est le plus vulnérable ?

Les personnes les plus vulnérables sont les enfants en bas-âge, car leur système immunitaire encore immature les rend vulnérables aux infections respiratoires, oculaires et cutanées.  Les personnes âgées sont aussi vulnérables, car elles sont souvent porteuses de maladies chroniques et sont particulièrement plus sensibles aux infections respiratoires et à la sécheresse de la peau et des muqueuses. Enfin, les travailleurs de plein air comme les agriculteurs et éleveurs nomades, les commerçants ambulants ou installés en plein air, les ouvriers en plein air sans protection adéquate, les travailleurs et veilleurs de nuit sont plus exposés à l’Harmattan et à ses conséquences.

Quelques mesures pour se protéger

  • Le port de masques anti-poussière permet de réduire considérablement l’inhalation des particules de l’air. Toute personne à l’extérieur doit porter un masque adapté, surtout lors des trajets avec des engins découverts (motocyclettes, vélos, voitures décapotées, etc.) ;
  • Éviter de faire du sport à l’extérieur sans masque anti-poussière, car le sport entraine une hyperventilation qui augmente la quantité de particules inspirées ;
  • Garder les portes et fenêtres closes et utiliser des rideaux pour les ouvertures afin de diminuer l’infiltration de la poussière dans les maisons. L’aération des pièces doit se faire en début de nuit ou tôt le matin au moment où le vent se calme. Les purificateurs d’air équipés de filtres peuvent aider à réduire les particules dans les espaces intérieurs ;
  • Confiner les enfants en bas-âge à l’intérieur, surtout les jours d’exacerbation de la suspension poussiéreuse ;
  • S’hydrater en buvant régulièrement de l’eau pour compenser la perte d’humidité corporelle due à l’air sec, surtout en journée et en extérieur ;
  • Utiliser des crèmes hydratantes ou des huiles naturelles (comme le beurre de karité) pour protéger la peau et les lèvres contre la sécheresse ;
  • Porter des vêtements longs et chauds, des foulards, des bonnets et des lunettes pour limiter l’exposition directe de la peau et des yeux au vent poussiéreux et au froid ;
  • Se laver régulièrement les mains et le visage pour éliminer les particules de poussière accumulées.
  • Être vigilant en circulation par temps de brouillard, diminuer la vitesse et circuler avec les feux allumés en journée par temps de brouillard pour être mieux vu.

L’Harmattan, bien qu'habituel, constitue une période exigeante pour les habitants du Sahel. En prenant des précautions simples, il est possible de réduire les risques pour la santé et de mieux vivre cette saison.

Par Dr Amadou Ouedraogo