Le mercure est un élément chimique métallique qui a la particularité d’être liquide à température ambiante. Sa diffusion dans l’environnement peut être le fait de phénomènes naturels comme les éruptions volcaniques ou les feux de forêt naturels. Cependant, ce sont les activités de l’homme (incinérations, cimenteries, extraction artisanale de l’or, combustion de charbon, etc.) qui ont porté ce polluant à des niveaux très inquiétants.

Les propriétés particulières du mercure lui ont conféré certaines utilités depuis l’antiquité. Dans la période moderne, le métal liquide a connu plusieurs utilisations comme composant des amalgames dentaires, comme conservateur ou anti infectieux dans certains vaccins ou médicaments, comme composant de certains appareils comme les thermomètres et les tensiomètres, etc. Il est encore largement utilisé dans certaines piles électriques, dans certains produits cosmétiques et surtout dans les processus artisanaux d’extraction de l’or.  La fascination de l’homme pour cette curiosité naturelle en a même fait un ingrédient de pratiques occultistes comme la multiplication supposée de billets de banque par certains charlatans.

Le mercure qui fait partie des métaux lourds est présent dans l’environnement sous plusieurs formes. Il peut être retrouvé sous forme élémentaire, sous forme minérale formant des sels avec d’autres éléments chimiques, ou sous la forme de méthylmercure qui est sa forme organique. Sous l’effet de processus naturels ou anthropiques, il passe d’une forme à une autre dans l’environnement. Le mercure élémentaire est volatile et son évaporation est favorisée par l’élévation de sa température. Dans sa forme organique, il est assimilable par les organismes vivants dans lesquels il s’accumule. Il se retrouve dans l’air, les sols, l’eau et les aliments. Il peut polluer durablement les cours d’eau dans lesquels les crustacés, les poissons et autres animaux aquatiques vont le concentrer et amplifier sa teneur tout au long de la chaine alimentaire.

L’exposition de l’homme au mercure se fait principalement par l’inhalation de vapeur de mercure métal, par l’ingestion d’aliments contenant le méthylmercure (principalement les poissons) ou à travers l’utilisation de cosmétiques contenant du mercure (certaines crèmes éclaircissantes).

Depuis plusieurs siècles, le mercure était associé à certains problèmes de santé, mais c’est la pollution industrielle au Japon au milieu du siècle dernier qui a mis à nue la forte dangerosité de ce métal pour l’environnement et la santé humaine. Depuis le début des années 2000, une forte mobilisation internationale a permis l’élaboration de la Convention de Minamata pour réduire les émissions et rejets de ce polluant dans le monde. Cette convention qui est entrée en vigueur en 2017 oblige les Etats qui l’ont ratifiée à mettre en œuvre des actions visant à éliminer progressivement le mercure de l’environnement.

L’intoxication humaine au mercure peut être aigue ou chronique, avec des conséquences délétères sur le système nerveux, le système immunitaire, l’appareil respiratoire, le rein, etc. Les enfants et les femmes en âge de procréer constituent la population la plus vulnérable. Retard de développement physique et mental, troubles du langage et de la coordination motrice, troubles comportementaux, décès sont dans le lot des conséquences sanitaires du mercure.

Les principaux points de production du métal liquide sont des mines en Espagne, en Italie, en Chine, au Mexique, aux États-Unis, en Russie, etc. Dans les pays développés, des mesures d’élimination du mercure existent depuis plusieurs décennies et ont permis de réduire drastiquement ce polluant dans l’environnement, notamment par l’utilisation d’énergies propres et le remplacement progressif des appareils et objets contenant du mercure. A contrario, le problème reste prégnant en Afrique où il semble s’aggraver. Le recours à la combustion de biomasse et l’incinération de déchets à l’air libre continuent de participer aux émissions de mercure dans l’environnement. Le remplacement des appareils et dispositifs contenant du mercure se fait plus lentement. Le développement de l’exploitation minière de l’or et autres métaux, surtout l’exploitation minière artisanale de l’or aggrave la pollution par le mercure. Au moins quatre pays sur cinq en Afrique produisent de l’or avec une composante artisanale non négligeable. L’utilisation des méthodes artisanales d’amalgamation de l’or est très rependue en raison de sa simplicité technique et de son faible coût. En Afrique de l’Ouest, l’utilisation du mercure est si ancrée dans les pratiques que les techniques d’extraction sans mercure ont de la difficulté à se faire une place. Au Burkina Faso, malgré son interdiction, les estimations situent l’utilisation annuelle du mercure dans l’exploitation artisanale de l’or entre 25 et 77 tonnes. Le pays serait même une plaque tournante du commerce de ce métal dans la sous-région ouest africaine.

Bien que de nombreux pays africains aient élaboré des plans d’élimination du mercure dans le cadre de leurs obligations de partie à la Convention de Minamata, les mesures et actions concrètes restent timides sur le terrain dans de nombreux contextes. Souvent, les institutions responsables de la gestion de l’environnement n’ont ni les moyens, ni l’autorité nécessaires pour lutter efficacement contre le problème. Les systèmes de santé ne sont pas outillés pour reconnaitre et gérer efficacement les troubles et maladies liés à l’intoxication au mercure; Les agents sont peu formés sur la question, et les plateaux techniques n’offrent pas de réelles possibilités de toxicologie clinique. Quelques organisations multilatérales ou des organisations non gouvernementales font du problème du mercure leur cheval de bataille, mais sans une réelle prise de conscience des décideurs et des populations, leurs actions restent peu efficaces. Pendant ce temps, le vilain poison continue son œuvre néfaste sur la santé des hommes et de l’environnement en Afrique.

Par Dr Amadou Ouedraogo