Depuis près d’une année, les relevés de température donnent à voir des niveaux de chaleur jamais égalés dans la plupart des régions du monde. Dans la bande sahélienne, le premier semestre de l’année 2024 a été marqué sur le plan météorologique par des vagues de chaleur avec de nombreux décès, notamment au Burkina Faso et au Mali. Bien que cette partie de la Terre soit caractérisée par sa sécheresse prononcée et ses températures extrêmes, la situation cette année parait extraordinaire. Les vagues de chaleur récurrentes depuis quelques décennies sont une des nombreuses conséquences du réchauffement climatique global, de plus en plus visibles dans de nombreuses zones géographiques. Ces situations d’extrême chaleur sont favorisées par des conditions environnementales locales. Leur impact négatif sur la santé humaine commande d’anticiper sur l’avenir et de créer des solutions pour contrer le problème dans les différents pays du Sahel.

Selon l’OMS, le changement climatique est « la plus grande menace pour la santé » et entraînera, entre 2030 et 2050, près de 250 000 décès supplémentaires par an dus à la dénutrition, au paludisme, à la diarrhée et au stress lié à la chaleur. Malgré les engagements et les efforts de réduction des gaz à effets de serre, notre planète se réchauffe inexorablement. Les conséquences sont entre autres des vagues de chaleur qui sont de plus en plus fréquentes, longues, intenses avec des conséquences plus graves sur la santé humaine. Même les zones où les habitants sont habituellement « acclimatés » à la forte chaleur commencent à payer un lourd tribut à la canicule. Le Sahel en est un exemple et selon les prévisions, le phénomène s’aggravera dans un proche avenir si des mesures vigoureuses et déterminées ne sont pas prises. Les épisodes caniculaires sont accentués par les conditions environnementales locales, notamment la désertification, les villes et agglomérations défavorables avec des ilots de chaleur, les caractéristiques défavorables des logements, l’humidité de l’air et le vent. Certaines de ces conditions locales sont modifiables et constituent des leviers pour lutter efficacement contre la chaleur extrême.

L’exposition aux températures extrêmes a des conséquences néfastes sur la santé. Cette exposition est influencée par certains facteurs sociaux :

  • la defavorisation matérielle augmente l’exposition de certaines personnes à la chaleur. Ainsi, l’impossibilité d’accès à un ventilateur ou un climatiseur pour réduire la chaleur augmente donc l’exposition des personnes ;
  • les conditions de logement peuvent constituer un facteur d’exposition à la chaleur. Par exemple, des maisons en tôles ou avec des toits en tôle sans faux plafond ou avec des fenêtres étroites et mal orientées exposent à la grande chaleur ;
  • les zones urbaines avec des maisons et autres infrastructures densément construits et peu végétalisés peuvent constituer des ilots de chaleurs exposant les habitants ;
  • les personnes travaillant en extérieur sous le soleil avec des équipements de protection individuelle peu adaptés peuvent être exposées ;
  • l’accès à l’eau et à l’électricité en période de forte chaleur, surtout en ville constitue des facteurs aggravant l’exposition des personnes aux fortes chaleurs ;
  • le faible accès à l’information favorise l’exposition des personnes qui, faute d’information sur les risques, prennent peu de précautions pour limiter les risques et les conséquences sur leur santé.

Les effets de l’extrême chaleur sur la santé peuvent être moins graves comme les céphalées, les crampes, les vertiges, la déshydratation légère, mais ils peuvent aboutir au coup de chaleur caractérisé par une augmentation de la température corporelle pouvant rapidement aboutir au coma et au décès. Les personnes les plus vulnérables sont les nourrissons, les personnes âgées, les personnes porteuses de maladies chroniques pulmonaires, métaboliques, cardiovasculaires, rénales, etc. Dans les pays du Sahel, les nombres et les proportions de personnes âgées, des personnes vivant en ville, des personnes porteuses de maladies chroniques augmentent, et ces tendances persisteront dans les prochaines décennies. L'urbanisation rapide et inadéquate dans nos pays a conduit à l'émergence d'ilots de chaleur urbains, où la concentration des bâtiments et des infrastructures augmente les températures locales. Dans ces villes, il y a de moins en moins d’espaces verts et la bétonisation et le revêtement des sols accroissent ces ilots de chaleur. Dans ce contexte, la prévision des cadences accélérées des épisodes caniculaires annonce de sérieux problèmes de santé publique liés à la chaleur dans le Sahel.

La lutte contre les vagues de chaleur est avant tout une lutte contre le changement climatique par la limitation des émissions des gaz à effet de serre. Il s’agit donc d’un effort global auquel tous les pays doivent participer, surtout les pays industrialisés, en mettant en œuvre des politiques responsables sur les énergies. Dans les pays du Sahel, face aux prévisions alarmistes, il est impératif d'agir pour protéger la santé des populations. Cela nécessite des approches multidimensionnelles et multisectorielles combinant prévention et adaptation.

Le reboisement joue un rôle crucial dans la lutte contre l'augmentation des températures. La plantation d'arbres contribue non seulement à réduire les ilots de chaleur urbains, mais sert également de puits de carbone, contribuant ainsi à la lutte contre le changement climatique. Les efforts de reboisement dans la région du Sahel peuvent donc avoir des bénéfices multiples, tant pour l'environnement que pour la santé publique. Les États, les collectivités territoriales et les communautés doivent s’organiser davantage pour reverdir leurs environnements et les cadres de vie. La création de villes vertes est essentielle pour réduire les températures, renforcer la biodiversité et offrir des environnements urbains plus sains. De façon générale, une urbanisation favorable à la santé nécessite une planification attentive, concertée et qui prend en compte les défis en santé environnementale posés par le changement climatique. Cela inclut la conception de bâtiments qui favorisent la ventilation naturelle, l'utilisation de matériaux réfléchissants et qui accumulent moins de chaleur, la plantation d’arbres dans les cours, l'aménagement d'espaces publics qui offrent protection et fraîcheur, etc. Cela peut rendre les villes du Sahel plus résilientes face aux vagues de chaleur.

La prévention des maladies liées à la chaleur passe par une sensibilisation accrue des populations aux risques et aux symptômes de l'hyperthermie et de la déshydratation. Pendant les périodes de forte chaleur, les campagnes de sensibilisation peuvent jouer un rôle déterminant dans la réduction de l'incidence des urgences sanitaires dues à la canicule. Il est possible de s’appuyer sur les agents de santé communautaire et les associations pour sensibiliser les populations à la prévention à travers les canaux appropriés. Des alertes à travers les mass- médias et les réseaux sociaux peuvent être initiées par les autorités sanitaires en collaboration avec les services de météorologie pendant les périodes caniculaires.

Dans les villes du Sahel, l’accès à l’eau et à l’électricité reste problématique, surtout dans les périodes de forte chaleur. L’accroissement rapide de la demande allié à une faiblesse des ressources et des investissements dans ces secteurs fait que ce problème reste entier malgré les efforts consentis. Il convient alors de redoubler d’effort pour améliorer la situation et rendre plus résiliente les populations en période de canicule. Ce peut être la facilitation de l’accès à la production domestique d’énergie solaire, la multiplication des forages et la distribution d'eau dans certains quartiers pour suppléer l’eau courante en période de sècheresse.  

Enfin, le renforcement des systèmes de santé pour faire efficacement face aux urgences liés à la chaleur est nécessaire. Cela passe par la formation des agents de santé à la prévention, à la gestion des cas et la collecte des données. La mise en place de réseaux de surveillance et d'alerte précoce, ainsi que des mécanismes d'accès facilité à des soins médicaux adaptés pour les personnes vulnérables pendant les vagues de chaleur sont nécessaires. Agir dès maintenant est essentiel pour préserver le bien-être et la sécurité des générations actuelles et futures.

Par Dr Amadou Ouedraogo